"Les Travaux du Royaume" de Yuri Herrera

Titre original : Trabajos del reino

Traduction de Laura Alcoba

(Gallimard, 2012)


Versión en español


Les Travaux du Royaume est le premier roman de cet écrivain mexicain, né en 1970 à Actopan. Un livre qui peut être inclus dans le groupe des textes désigné par le terme de "narcoliteratura", littérature du narcotrafic : une littérature qui émerge au début de ce siècle et qui traite des phénomènes liés au trafic de drogue en Amérique Latine et aux États-Unis. En effet, le héros du récit est un chanteur de corrido, balade traditionnelle mexicaine, qui compose pour un chef mafieux des chants qui célèbrent les exploits et les grands événements de son gang. Cette troupe délictueuse est présenté dans le roman comme une véritable cour et le chanteur comme un aède.

Les personnages du roman ne sont pas nommés, ils sont présentés comme des archétypes de conte - le roi, la fillette, le traître, le docteur, l'artiste – dans un texte agencé par les règles du seul art poétique, comme on chantait autrefois les hauts faits des héros. Ce jeu littéraire donne à ce roman une saveur d'intemporalité et propose le miroir déformant du mythe pour une histoire de violence et de tragédie bien d'aujourd'hui. Ce n'est qu'à la fin du roman que l'aède chantera de sa propre voix, pourra reprendre sa place d'Homme et retrouvera pleinement son nom.


"Il en savait long sur le sang, et il comprit immédiatement que le sien était différent. Ça se voyait à la manière dont l'homme remplissait l'espace, sans être du tout dans l'urgence, l'air de tout savoir, comme s'il était fait d'une matière plus fine. Un autre sang. L'homme s'assit à une table et ceux qui l'accompagnaient formèrent un demi-cercle autour de lui. 

Il l'observa à la lumière du jour finissant qui s'infiltrait par une ouverture dans le mur. Il ne s'était jamais trouvé en présence de ces gens, pourtant Lobo était persuadé d'avoir déjà assisté à cette scène. Le respect que l'homme et les siens lui inspiraient était écrit quelque part, la soudaine sensation d'importance que sa proximité même lui procurait. Il connaissait la manière qu'il avait de s'asseoir, son regard altier, cet éclat. Il observa les bijoux dont il était paré et c'est alors qu'il comprit : il s'agissait d'un Roi."



Planche pour l'Illiade. John Flaxman

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