"Les sept fous" de Roberto Arlt
Titre original : Los siete locos
Traduction d'Isabelle et Antoine Berman
(Belfond, 1981)
Né en 1900, mort en 1942, Roberto Arlt est une des grandes figures de la littérature argentine. De père prussien et de mère italienne, il est issu des grandes migrations européennes qui atteignent le pays à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Il fit peu d'études et toutes sortes de métier : peintre, employé de librairie, mécanicien...
Son premier roman, El juguete rabioso, fut publié en 1926 et on y trouve déjà les thèmes caractéristiques de son œuvre : le monde marginal de Buenos Aires, des personnages inquiétants et désespérés qui survivent sans foi ni loi, la frustration sociale, un monde chaotique et violent.
Le roman qui nous occupe fut publié en 1929, juste avant que commence ce que l'on appellera la "década infame", la décennie infâme, qui durera de 1930 à 1943 et qui sera marquée par la crise politique et économique, la corruption, la révolte sociale et la répression. Tous ces éléments apparaissent dans le roman. Roberto Arlt publiera un roman qui prolonge Les sept fous et qui s'intitule Los Lanzallamas, Les Lance-flammes. On retrouve dans les deux romans les mêmes personnages désespérés et troubles des milieux marginaux de Buenos Aires : voleur, proxénète, prostituée, assassin... et Arlt, pour construire son récit, part de la folie qui est, tout à la fois, un espace d'exclusion et une zone de danger social.
Le personnage principal, Erdosain, est un obscur employé dans une situation difficile parce qu'il ne sait pas comment rendre l'argent qu'il a volé dans l'entreprise où il travaille. Il parcourt la ville en quête d'une solution et va croiser une galerie disparate de personnages : un pharmacien qui développe une méthode infaillible pour gagner à la roulette, un homme qui se dit astrologue et veut fonder une secte, un proxénète qui théorise sur la propension des femmes au sacrifice...
"En ouvrant la porte vitrée de la gérance, garnie de verres japonais, Erdosain voulut reculer ; il comprit qu'il était perdu, mais il était trop tard .
Le directeur l'attendait, un homme de petite taille, corpulent, avec un tête de sanglier, des cheveux gris coupés à la « Humberto Ier », et un regard implacable qui filtrait par des pupilles grises comme celles d'un poisson ; il y avait également Gualdi le comptable, petit, maigre, doucereux, aux yeux scrutateurs, et le sous-gérant, le fils de l'homme à la tête de sanglier, un beau garçon d'une trentaine d'années qui avait des cheveux complètement blancs, un air cynique, une voix âpre et un regard aussi dur que celui de son géniteur. Aucune des trois personnages, le directeur penché sur des documents, le sous-gérant accoudé à une bergère avec une jambe qui se balançait sur le dossier, et M. Gualdi resté respectueusement debout près du bureau, ne répondit au salut d'Erdosain."
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