« Les carnets du Palais Noir » d'Alvaro Mutis

Titre original : « Diario de Lecumberri »

Traduit par François Maspero

(Editions Grasset et Fasquelle, 1991)


Version espagnole


En 1957, l'écrivain colombien Álvaro Mutis se retrouve mêlé à une affaire de malversation et doit s'enfuir au Mexique. Il y sera arrêté et passera quinze mois au pénitencier de Lecumberri. Álvaro Mutis qui est alors un poète reconnu va rendre compte de cette expérience carcérale dans une série de chroniques; une expérience et un travail d'écriture qui lui ouvriront les portes de la prose et lui permettront d'écrire les romans qui racontent les tribulations de Maqroll le Gabier, un des personnages les plus attachants de la littérature latino-américaine.

On trouve, dans ce journal de prison, le même humanisme désenchanté que dans le cycle de Maqroll. L'auteur capte l'ambiance de la prison, dresse des portraits de détenus et rend compte en cinq récits d'un univers fait d'injustice, de misère, de cruauté mais aussi de solidarité. 

Les chroniques sont accompagnées, dans cette édition, par les Lettres à Elena Poniatowska, qui n'est pas encore la grande dame des Lettres mexicaines qu'elle deviendra mais une jeune et brillante journaliste qui soutient et prend la défense du poète colombien. Ces courriers permettent d'en apprendre plus sur Álvaro Mutis, son érudition, ses lectures, son engagement et donnent un autre éclairage sur cet épisode douloureux de sa vie.


"Je suis resté un long moment à le regarder tandis qu'un rayon de soleil rougeâtre, tamisé par la poussière de Texcoco qui flottait dans la lumière de l'après-midi, se promenait sur la peau tendue de son corps mince auquel la drogue, la faim et la peur avaient donné une transparence particulière, une certaine pureté, un dessin net et simple qui m'ont fait penser aux corps de ces saints conservés sous l'autel de certaines églises dans des caisses vitrées aux moulures dorées et vermoulues.  

C'était donc là l'Allumette, plus jeune encore qu'il ne le semblait de son vivant, presque un enfant. Libéré de l'angoisse infinie de son existence et de l'uniforme toujours trop grand qui le faisait paraître plus misérable encore, il révélait dans la nudité de son cadavre comme un témoignage secret de son être qu'il n'avait plu transmettre durant sa vie et qu'il avait souvent cherché à exprimer par les chemins de l'héroïne où il s'était irrémédiablement perdu. La bouche était demeurée entrouverte dans un mouvement semblable à celui des asthmatiques qui cherchent péniblement de l'air ; mais en la regardant de plus près, on voyait qu'un pli de la lèvre supérieure découvrait en partie les dents. Un mélange de sourire et de sanglot semblable au spasme du plaisir. Il portait sur le côté gauche une blessure aux lèvres épaisses d'où gouttait encore un filet de sang noir qui avait la consistance de l'asphalte. "


Pour en savoir plus sur Alvaro Mutis

Pour en savoir plus sur la prison de Lecumberri (article en espagnol)




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