"Le bandit aux yeux transparents" de Miguel Littin

 Titre original : El bandido de los ojos tranparentes

Traduction de Bertille Hausberg

(Editions Métailié, 2003)


Porte-voix du peuple, figures héroïques de la rébellion, porteurs de valeurs telles que le courage et l'honneur, les bandits sont un thème traditionnel de la littérature populaire latino-américaine. Hérités des traditions littéraires espagnoles et portugaises, les histoires de bandits ont nourri la littérature orale comme les contes de Pedro Urdemales au Guatemala ou les poésies de la littérature de cordel au Brésil qui racontent les exploits des cangaceiros du sertaõ. Les textes des chansons comme celle de Pedro Navaja de Rubén Blades ou comme les actuels narcocorridos montrent que le bandit reste encore une source d'inspiration.

Ces récits populaires ont depuis longtemps étaient relayés par la littérature érudite. Au Chili, dès les premières décennies du XXe siècle, des auteurs comme Mariano Latorre ou Luis Durand se sont intéressés à la figure du bandit.

Le bandit aux yeux transparents du Chilien Miguel Littin s'inscrit donc dans une longue tradition narrative. L'auteur offre une évocation merveilleusement poétique d'un bandit réel : Abraham Toro Díaz, surnommé El Torito, qui défraya la chronique dans les années 1940 et 1950. Usant d'un récit polyphonique, il restitue la dimension mythique que peuvent prendre ces personnages dans l'imaginaire populaire. Enfant nourri par une génisse, grandi au milieu des troupeaux, adolescent voué au banditisme par pauvreté, bandit évoluant entre le rêve et la réalité, entre le monde des morts et celui des vivants, El Torito raconté par Miguel Littin est un hommage à la féerie sauvage de cette littérature populaire.


"J'ai senti sur ma peau un frôlement chaud, les coups de langue d'un animal qui réchauffaient mon corps engourdi par le froid de la nuit. Le jour venu, j'ai regardé et vu comment des bêtes à quatre pattes s'approchaient des mamelles du grand animal pour les téter. J'ai fait de même et nous nous sommes partagé les pis, et nous avons bu le lait tiède et doux sortant de ses entrailles. Un autre jour, plein d'énergie, j'ai gravi la montagne au rythme des chevaux les plus rapides, et sur des îlots qui naviguaient d'un point à l'autre, j'ai découvert peu à peu la vallée, j'ai admiré sa végétation, appris à palper les rochers et à ne pas trébucher sur les pierres. J'ai parlé aux oiseaux, henni avec les chevaux, mugi quand j'avais faim avec les veaux et les moutons, appris à distinguer l'eau claire et propre de celle des puits obscurs aux eaux turbulentes, à me défendre des reptiles et des serpents, à me méfier de tout animal rampant. J'ai également grandi en force et, un jour, j'ai pris conscience de ce que j'aimais et n'aimais pas. J'ai alors appris à me méfier de tout animal à deux pattes, ceux qui couvrent leur propre peau avec celles de autres."


Récits de bandits dans la littérature et le cinéma d'Amérique Latine


Type du bandit andalou, lithographie de 1836

 

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