"La fête de l'ours" de Jordi Soler

 

Titre original : La fiesta del oso

Traduction de Jean-Marie Saint-Lu

(Belfond, 2011)


Jordi Soler est né en 1963 au Mexique, dans une communauté d'exilés catalans fondée par son grand-père à la fin de la guerre civile espagnole. La mémoire de ce conflit hante l'auteur et il a consacré une trilogie romanesque à cet héritage : Les Exilés de la mémoire (Belfond, 2007) qui s'attache au destin de son grand-père Arcadi, contraint d'abandonner son pays menacé par les franquistes ; La Dernière Heure du dernier jour (Belfond, 2008) qui revient encore sur la figure de ce grand-père mais, cette fois, vieilli, dans sa plantation de café, au milieu de la jungle mexicaine ; et, ce roman-ci, La fête de l'ours, un beau roman qui mêle mythologie pyrénéenne et investigation du passé.

Le narrateur de ce roman enquête sur le destin d'un grand-oncle disparu en 1939, quand la Catalogne tombe et que les républicains tentent de gagner la France. Cette enquête l'amène à rencontrer des personnages qui apparaissent, ici, comme des personnages de conte. Un de ces personnages est un chevrier, un géant assimilé à la figure mythique de l'ours.

Dans l'aire culturelle pyrénéenne, la figure de l'ours s'est vu traditionnellement associée à d'autres figures mythologiques : celle du géant ou celle de l'homme sauvage. Cette dernière figure, celle de l'homme sauvage, un être qui brouille les limites entre l'humain et l'inhumain, le naturel et le surnaturel, touche aux questionnements sur la frontière. Il est donc intéressant de voir que Jordi Soler récupère la figure de l'homme sauvage pour un récit qui met en scène la frontière : celle entre l'Espagne et la France, celle entre le bien et le mal.

La figure de l'ours apparaît, dans la mythologie universelle, liée aux thèmes de la fécondité et de la sauvagerie. C'est surtout la seconde qui est explorée dans le récit. Mais le roman évoque une des fêtes traditionnelles des Pyrénées : La fête de l'Ours à Prats-de-Mollo, une fête du renouveau printanier. Le mythe de l'ours est ambivalent : bénéfique et maléfique. Une ambivalence que l'on retrouve dans le récit : si le chevrier est salvateur, le grand-oncle, lui, est résumé à sa sauvagerie.


"La période difficile que traversait la France, comme je l'ai dit, avait poussé toutes sortes de créatures dans la forêt du géant, et en quelques semaines celle-ci s'était considérablement peuplée, se remplissant d'une meute de gens poursuivis pour diverses raisons et qui trouvaient dans ces fourrés un refuge et une cachette, ainsi qu'une proximité avec la frontière, deux caractéristiques aussi profitables aux malfaiteurs qu'aux pourchassés"


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