Collection "Crimen y literatura" du fonds América
Entre violence, corruption, héritage des dictatures... le crime est un motif très présent dans la littérature latino-américaine contemporaine. On pense, bien sûr, au roman policier mais le thème peut apparaître aussi dans les chroniques, les nouvelles, les essais... L'Espace América compte une collection en espagnol, intitulée Crimen y literatura et cette chronique se propose d'en dessiner les contours.
La variété des usages littéraires que l'on peut faire du motif criminel invite en effet à mieux délimiter cette nouvelle collection. Cet usage peut relever de la technique narrative comme dans Chronique d'une mort annoncée de Gabriel García Márquez où la fatalité domine l'histoire, l'incipit indiquant : « Le jour où il allait être abattu, Santiago Nasar s'était levé à cinq heures et demie du matin pour attendre le bateau sur lequel l'évêque arrivait ».
L'usage peut en être de stricte poétique comme dans le roman El último lector de David Toscana où le crime n'est qu'un des thèmes d'un récit qui interroge les rapports entre la réalité et la littérature. De même, dans le roman de Juan José Saer, Nadie, nada, nunca, le crime s'insère dans un jeu de remémoration et de prémonition tandis que dans Malacara de Fadanelli, le caractère criminel du personnage est un des éléments permettant de dresser le portrait d'un anti-héros. Dans le livre La prueba de César Aira, la violence qui conclut le récit n'est qu'une manière de pousser jusqu'au bout une réflexion sur ce qu'est définir, enfermer dans une définition.
Mais parler du crime c'est aussi parler de l'injustice, de la cruauté et du mal. Et c'est bien à une méditation sur la cruauté qu'invite un roman comme Las tías de Juan Manuel Morales Chavéz où est mis en scène un personnage féminin que la soumission et la solitude ont amené à la haine. Pour un auteur comme Roberto Bolaño, la réflexion sur les rapports qu'entretiennent l'art et le mal est centrale.
Souvent, derrière le thème criminel, on trouve un constat social ou une appréhension de l'Histoire. Ainsi dans son roman Luna caliente, Mempo Giardinelli met en scène la dérive dans la violence d'un jeune bourgeois. Un portrait de l'Argentine de la dictature que l'on retrouve dans le roman d'Enrique Medina : El escritor, el amor y la muerte.
Pour ce qui est des rapports entre le crime et l'Histoire, il faut citer l'une des œuvres clefs de la littérature latino-américaine, Facundo (1845) de Domingo Faustino Sarmiento, d'une grande portée culturelle et politique ; En effet, cette biographie d'un des « caudillos » les plus cruels des guerres civiles qui suivirent l'indépendance du pays analyse le développement politique, économique et social de l’Amérique du Sud à partir de l'opposition entre « civilisation » et « barbarie ».
On peut aussi s'arrêter sur les récits qui explorent la figure du criminel. Dans un des grands romans de la littérature latino-américaine contemporaine, Hijo de ladrón (1951) de Manuel Rojas, un homme qui sort de prison revient sur son enfance et son adolescence. On retrouve le même thème dans le roman de Mario Mendoza, El viaje del loco Tafur, où un assassin s'interroge sur ce qui l'a amené à tuer.
Cette figure du criminel trouve son expression la plus commune dans le personnage du bandit qui bénéficie d'une longue tradition littéraire en Amérique Latine comme ailleurs. Avec Chamijo, l'argentin Roberto Payró nous plonge dans les aventures d'une sympathique canaille dans l'Amérique coloniale. Fabio Javier Echarri nous raconte, lui, l'histoire d'un basque devenu légendaire dans le Chaco argentin pour ses prouesses de bandits : Zamacola : Un bandolero vasco en el Chaco. Enfin, Miguel Littin, avec El bandido de los ojos transparentes, nous offre le récit d'une persécution implacable, celle d'Abraham Díaz, el Torito, par le lieutenant Ramírez.
On trouve, bien entendu, les variantes désormais classiques de cette figure du bandit comme le mafieux (Son de almendra de Mayra Montero où on retrouve l'univers crapuleux de la Havane pré-révolutionnaire) ou le pirate (El médico de los piratas de Carmen Boullosa qui a pour cadre le monde des flibustiers, au XVIIe siècle).
Le thème du crime dans la littérature intervient souvent dans le cadre d'une réflexion sur la société et ses dysfonctionnements, notamment, la marginalité et la pauvreté.
De nombreux auteurs dénoncent dans leurs romans les problèmes sociaux, la violence, la corruption qui sévissent dans leurs pays.
Ainsi, Sergio Álvarez raconte dans 35 muertos les aventures d'un perdant dont le destin croise celui de dizaines de personnages et dresse ainsi le portrait de la Colombie de la fin du XXe siècle. Dans Paraíso Travel, Jorge Franco, colombien lui aussi, aborde le problème de l'émigration aux États-Unis.
Le Mexicain Jorge Ibarguengoïtia est connu pour proposer dans ses romans, où la noirceur et le ridicule se mêlent, une satire de la société mexicaine. On trouve de même une peinture sociale du Mexique dans El lenguaje del juego de Daniel Sada qui raconte les déboires d'un père de famille qui a du passer la frontière du nord dix-huit fois, a réussi à amasser assez d'argent pour monter une pizzeria dans son village et se retrouve confronté à la violence.
D'autres auteurs passent par la chronique ou l'essai pour analyser la réalité nationale. Ainsi de Sergio González Rodríguez qui dans Huesos en el desierto se penche sur les causes économiques, sociales et culturelles du féminicide qui sévit depuis des décennies à Ciudad Juarez, au nord du Mexique.
Mais il faut avoir en tête que le roman noir est un genre où la peinture sociale est aussi importante que l'intrigue. On peut citer Hot Line de Luis Sepúlveda qui a pour détective un indien mapuche à qui son supérieur explique qu'un mapuche au Chili c'est “comme un noir en Alabama”, il convient de le confiner à la Patagonie... On peut citer aussi Perder es cuestión de método de Santiago Gamboa qui aborde la question de la violence et de la corruption en Colombie mais dans leur dimension universelle.
Cette dénonciation sociale peut prendre pour cible l'oligarchie comme dans le roman Dándole pena a la tristeza de Alfredo Bryce Echenique qui relate les avatars d'une dynastie financière de Lima, de sa fondation par un mineur à la fin du XIXe siècle jusqu'à sa décadence. Elle peut s'attaquer à la bourgeoisie soi-disant sans histoire pour en montrer la noirceur et l'hypocrisie comme dans Las viudas de los jueves de Claudia Piñeíro.
Mais il est une constante thématique particulièrement porteuse de dénonciation sociale dans la littérature latino-américaine : la marginalité et la délinquance. On peut citer El juguete rabioso (1926) de Roberto Arlt qui raconte la vaine lutte d'un adolescent pour échapper à la misère et l'humiliation que celle-ci entraîne; Caterva (1937) de Juan Filloy où l'on suit les aventures et les discussions d'un groupe de SDF; Desde esta carne (1952) de Valentín Fernando où quatre personnages volent, trahissent, embobinent et tuent comme si c'était chose naturelle; Los cachorros (1967) de Mario Vargas Llosa qui se centre sur des adolescents de la banlieue de Lima qui peinent à trouver leur place dans une société où la virilité est la première valeur; ou, encore, El Frasquito (1973) de Luís Gusmán dont l'écriture rend compte du chaos de la violence et de la marginalité.
Dans la production littéraire la plus récente, cette approche sociale reste très présente : La deriva de Osvaldo Aguirre raconte l'initiation d'un jeune chroniqueur au monde criminel, Chamamé de Leonardo Loyola est une sorte de western contemporain où s'affrontent deux bandits; Siete maneras de matar a un gato de Matías Néspolo raconte les mésaventures de deux amis miséreux sur fond de crise en Argentine.
Les aspects explorés par tous ces récits du crime peuvent être divers :
-Le poids des normes sociales dans le roman La babosa de Gabriel Casaccia où un personnage médisant, doña Angela, sème le malheur autour d'elle au nom de la justice et de la religion.
-La place de l'individu hors norme dans la société dans El cojo y el loco de Jaime Bayly.
-La télé-réalité dans Realidad de Sergio Bizzio.
-L'exil et le monde marginal des immigrés dans El camino a Itaca de Carlos Liscano
-L'univers carcéral comme dans les chroniques d'Álvaro Mutis réunies dans son humaniste et désenchanté Diario de Lecumberri ou dans celles de María Carolina Geel qui fut condamnée pour assassinat : Cárcel de mujeres.
-Le monde de la prostitution dans Hay que sonreír de Luisa Valenzuela, Santa de Federico Gamboa ou Madame Sui d'Augusto Roa Bastos.
La littérature la plus représentative de la collection « Crimen y literatura » est, bien entendu, le roman policier qui, souvent, est un roman noir, un genre romanesque qui s'attache à explorer le monde criminel et s'apparente au roman social.
Le genre compte des représentants de grande qualité dans tous les pays d'Amérique.
Pour l'Argentine, on peut citer Ernesto Mallo, Claudia Piñeiro, José Pablo Feinmann ou Carlos Salem, connu pour ses romans policiers de la série du Tigre blanco destiné à la jeunesse. On peut citer aussi un auteur qui vit en France depuis 1979, Néstor Ponce et qui a publié, en plus de ses romans, deux études critiques sur le genre « noir » : Diagonales del Género et Crimen, anthologie de la nouvelle noire et policière d'Amérique latine. D'autres auteurs ont fait des incursions dans le genre comme Sergio Olguín avec Lanús, Pablo de Santis avec El enigma de París, Ricardo Piglia avec Plata Quemada ou le journaliste et écrivain Martín Caparrós avec A quién corresponda.
Pour le Chili, trois auteurs sont à retenir : Roberto Bolaño qui est considéré comme un des auteurs majeurs de la littérature latino-américaine d'aujourd'hui, Ramón Díaz Eterovic qui dans ses romans ausculte les séquelles de la dictature et Roberto Ampuero dont le détective privé, Cayetano Brulé, est un exilé cubain, bedonnant et quinquagénaire.
Pour la Colombie, on peut citer Jorge Franco, Fernando Vallejo ou Mario Mendoza dont les romans ont parfois été adaptés au cinéma.
Pour Cuba, le représentant incontournable du genre est Leonardo Padura.
Pour le Mexique, on retiendra Paco Ignacio Taibo II, Élmer Mendoza et Guillermo Arriaga.
On peut conclure cette liste avec le Péruvien Diego Trelles Paz et l'Uruguayen Rafael Courtoisie qui avec son roman Santo remedio offre des pages d'humour noir sur le thème de l'euthanasie.
Cette présence importante du roman noir dans la littérature contemporaine invite les auteurs à revisiter le genre ou en utiliser les codes. Il faut se souvenir que, déjà, Borges s'était amusé avec Bioy Casares a écrire des nouvelles qui constituaient des parodies du genre policier : Seis problemas para don Isidoro Parodi.
Osvaldo Tcherkaski dans son roman Maten a cualquiera, élabore une enquête en douze nouvelles. Antonio Ungar, lui, dans Tres ataúdes blancos propose une structure de thriller que la voix du protagoniste-narrateur déborde. Ou, encore, Rodrigo Rey Rosa avec Caballeriza offre une histoire inquiétante et énigmatique qui est une parabole sur la place de l'individu différent.
La résolution d'une énigme peut être le fil conducteur du récit. Ainsi dans son roman La ciudad ausente, Ricardo Piglia élabore un dédale de récits qui peu à peu questionne l'Histoire officielle et la mémoire collective.
Ce qui fait l'objet de l'investigation peut être l'intime comme dans le roman Contigo en la distancia de Carla Guelfenbein où se tissent les destins de quatre personnages qui cherchent à s'éclaircir les uns par les autres pour résoudre l'énigme d'un drame. L'enquête peut se doubler d'introspection comme dans Una misma noche de Leopoldo Brizuela où le personnage enquête tout à la fois et sur soi-même et sur le crime organisé, interrogeant la responsabilité des citoyens face à la violence du pouvoir.
Certains romans mélangent les genres. Ainsi Ricardo Piglia dans El camino de ida agrège les codes de l'autobiographie et du roman policier et le jeu sur la littérature. Et avec No será la tierra, traduit en français sous le titre Le temps des cendres, Jorge Volpi offre une fresque de l'histoire contemporaine (chute du mur de Berlin, ascension de Yeltsin, guerre bactériologique...) qui mêle récit scientifique et enquête policière.
Le roman historique d'Amérique Latine est une autre entrée possible pour explorer les rapports du crime et de la littérature.
Pour ce qui est des récits proprement historiques, les auteurs peuvent aborder des périodes et des thèmes très variés. Ainsi, un des derniers romans de Mario Vargas Llosa, El sueño del celta, recrée la vie de Roger Casement qui dénonça la violence coloniale en Afrique tandis que El jardín devastado de Jorge Volpi traite, lui, de la Guerre d'Irak. Ce dernier évoque l'horreur du nazisme dans Oscuro bosque oscuro.
Certaines périodes permettent d'insérer l'histoire latino-américaine dans le mouvement plus vaste de l'histoire mondiale. On pense, par exemple, à ce roman de Leonardo Padura qui enquête sur l'assassinat de Trotsky et qui offre une vaste fresque qui va de l'URSS de Staline à la Révolution cubaine, en passant par la Guerre d'Espagne et le Mexique de Frida Kahlo et Diego Rivera : El hombre que amaba a los perros. On peut citer aussi Santa María de las flores negras de Hernán Rivera Letelier qui rend hommage à un des premiers mouvements ouvriers du XXe siècle : la grève des mineurs du désert d'Atacama qui fut réprimée dans le sang.
Mais, bien entendu, nombre de romans sont consacrés aux épisodes marquants de l'histoire du continent. Abel Posse avec Daimón revient sur la figure légendaire de Lope de Aguirre, cet aventurier basque qui se rebella contre sa patrie, contre son Dieu et contre son roi. Dans Una vaca pronto serás, Néstor Ponce revient sur l'exploitation et l'extermination des peuples indigènes d'Argentine au XIXe siècle. Un thème que l'on trouve aussi dans La cautiva de Esteban Echeverría. Dans Aliento a muerte de Francisco Haghenbeck, un homme cherche à se venger... l'action nous plonge dans la guerre qui suivit l’exécution de l'empereur Maximilien en 1867.
Il existe, par ailleurs, dans la littérature mexicaine, tout un ensemble d’œuvres qui traite de la Révolution mexicaine et de son héritage, notamment pour en dénoncer les violences : El luto humano de José Revueltas raconte la « guerra cristera » et la répression de ceux qui refusaient les lois laïques, La sombra del caudillo de Martín Luís Gúzman revient sur la violence du gouvernement d'Obregón.
Pour ceux qui apprécient les romans policiers et historiques, la littérature latino-américaine contemporaine propose d'excellentes lectures, voici de quoi mettre en appétit :
-El caso Neruda de Roberto Ampuero : Pablo Neruda, vieux et malade vient de rentrer au Chili après avoir laissé son poste d'ambassadeur à Paris. Dans cette vie célèbre, il reste un mystère, un doute qui tourmente le poète...
-Nombre de torero de Luís Sepúlveda : Durant les années sombres du nazisme, dans la prison de Spandau, des pièces d'or d'une valeur inestimable disparaissent. Cinquante ans plus tard, après la chute du mur de Berlin, deux personnages au passé trouble embauchent, chacun de leur côté deux “anciens combattants” : Juan Belmonte- qui a un nom de torero - et Frank Galinsky pour récupérer un butin volé que personne n'ose réclamer de manière officielle. Parallèlement, à l'autre bout du monde, un pauvre et solitaire vieillard reçoit un mystérieux message...
-Las Islas de Carlos Gamerro : Felipe Félix, un hacker, ex-combattant des Malouines, est convoqué par un sinistre multimillionnaire dont le fils a assassiné un homme. Les noms des témoins du crime figurent dans les archives des services secrets argentins. En menant son enquête, Felipe découvre que la Guerre des Malouines n'est pas finie.
-El bastardo d'Alberto Irigoyen : Durant l'hiver 1782, la princesse Marie Louise de Parme attend un enfant, fruit d'une de ses nombreuses aventures extra-conjugales. Elle écrit au père pour lui annoncer la nouvelle. Dans cette lettre, elle reconnaît comme illégitime celui qui deviendra prétendant au trône, Charles d'Espagne.
La dimension sociale et historique que l'on peut trouver dans cette collection consacrée aux rapports entre le crime et la littérature s'accorde souvent avec une dimension politique.
Cette dimension peut apparaître sous forme fictionnelle comme dans Buda Blues de Mario Mendoza où un universitaire enquêtant sur un assassinat découvre un monde parallèle, celui des anarco-primitivistes. Mais ce qui est souvent abordé dans ces romans c'est la réalité de la violence et de la corruption. Ainsi Insensatez de Horacio Castellanos Moya revient sur le génocide perpétré contre les amérindiens lors de la longue guerre civile guatémaltèque. Avec Palacio quemado, Edmundo Paz Soldán met en scène la classe politique bolivienne. Carlos Fuentes, dans son roman Adán en Edén, raconte l'alliance d'un chef de sécurité avec des criminels pour gagner les faveurs de l'opinion publique. Et le sous-commandant Marcos a écrit avec Paco Ignacio Taibo II, en 2004, un roman policier intitulé Muertos incómodos qui constitue une véritable dénonciation de la corruption d'Etat au Mexique.
Par ailleurs, les dictatures qui ont jalonné l'histoire politique de l'ensemble du sous-continent se reflètent dans la production littéraire.
L'Argentine a connu dès l'indépendance un régime dictatorial qui fut très vite dénoncé : El matadero de Esteban Echeverría est écrit en 1838-1840 sous le second mandat de Juan Manuel de Rosas et Amalia de José Marmol date de 1851 alors que le dictateur était encore en place.
L'écrivain et journaliste Rodolfo Walsh, assassiné par la junte militaire en 1977, est une des grandes figures de cette littérature engagée. Son enquête Operación masacre revient sur la tuerie d'opposants au régime militaire issu du coup d’État de 1951 et son livre ¿Quién mató a Rosendo?, élaboré à partir des articles d'un hebdomadaire de la CGT, revient sur l'assassinat, en 1968, de Rosendo García alors dirigeant de l'Union Ouvrière de la Métallurgie.
Enfin, la junte militaire au pouvoir de 1976 à 1983, apparaît dans de nombreux ouvrages : Cuarteles de invierno de Osvaldo Soriano, La última noche en que tampoco habló de Daniel Fermani, Un secreto para Julia de Patricia Sagastizabal, Ciencias morales de Martín Kohan, La capital del olvido de Horacio Vázquez-Rial ou encore La crítica de las armas de José Pablo Feinmann où un fils qui veut régler son compte à la mère patrie a décidé de tuer la sienne.
La Bolivie a connu, elle aussi, une longue période dictatoriale, de 1964 à 1982. Edmundo Paz Soldán dans son roman La materia del deseo met en scène un narrateur-protagoniste qui veut retrouver un roman écrit par son père, assassiné lors de l’une des dernières dictatures.
Au Chili, l'espoir brisé de l'élection d'Allende et la violence d’État qui a suivi, alimente toute une littérature mémorielle. On peut citer, par exemple, El himno nacional de Fernando Jerez, un roman qui explore la psychologie des bourreaux chargés des tortures.
Pour le Paraguay, il faut bien sûr mentionner Yo, el supremo de Roa Bastos qui dresse le portrait du dictateur José Gaspar Rodríguez de Francia qui gouverna le pays de 1811 a 1840. Ce roman fait partie du groupe générique de romans de dictateur qui comprend El señor Presidente de Miguel Ángel Asturias, El recurso del método d'Alejo Carpentier, El otoño del patriarca de Gabriel García Márquez ou La fiesta del chivo de Mario Vargas Llosa.
On peut ajouter encore à cette liste noire de l'écho des dictatures dans la production romanesque : Sombras nada más de Sergio Ramírez dont l'action se situe lors de la chute de la dynastie des Somoza au Nicaragua ou El tigre y la nieve de Fernando Butazzoni basé sur les témoignages d'une citoyenne uruguayenne qui fut emprisonnée en Argentine.